Prenez votre instrument de musique préféré, piano, guitare ou autre. Choisissez quelques mesures, un air, un riff qui vous plait. Travaillez-le tous les jours pendant des semaines, puis des mois, puis des années. Insistez toujours avec les mêmes gestes répétés inlassablement. Vous allez le maîtriser à la perfection. Mais si votre expérience de la musique se limite à ce seul exercice, vous ne saurez rien jouer d’autre. Vous ne serez pas vraiment devenu un musicien expérimenté, et vous ne bénéficierez pas de la moindre reconnaissance d’un professionnel aguerri. Un musicien de métier vous évaluera sur votre capacité à jouer des répertoires, à composer, à enchaîner des techniques, à faire partie d’un groupe, à transmettre des émotions au public. De nombreux critères caractérisent la pratique d’un joueur expérimenté.
L’analogie s’applique dans le monde de l’entreprise. L’expérience professionnelle que vous avez accumulée peut avoir beaucoup de valeur à vos yeux (elle est le fruit de nombreux efforts) mais être perçue différemment par une entreprise (qui n’en perçoit pas forcément un bénéfice). L’écart de perception s’explique car la nature des critères sont différents (effort contre bénéfice). Il peut conduire à une frustration liée à un manque de reconnaissance. L’objectif de cet article et du suivant est de vous aider à y remédier.
Au travers d’une série de deux articles, je vous propose d’une part de comprendre comment une entreprise valorise l’expérience de ses collaborateurs. Et dans un second article, nous discuterons des stratégies à développer pour rendre son expérience percutante et précieuse pour un employeur ou un client.
L’efficacité
Si vous avez vu top chef ou des reportages dans des brigades de grands restaurants, vous aurez peut-être observé la vitesse et la précision des professionnels qui effectuent de la taille de légumes. A force de travail et d’expérience, ils ont acquis une maîtrise technique formidable qui leur permet d’allier vitesse et précision.
Dans un grand restaurant, la taille des légumes n’est pas forcément la tâche qui parait la plus complexe ni la plus noble. Pourtant, si l’on remplace un personnel expérimenté par un débutant, la productivité va s’effondrer. Il faudra probablement 3 ou 4 fois plus de temps à un débutant pour accomplir la même tâche et on s’expose à un risque de dégradation de la qualité.
Cet exemple montre quel est le premier levier – le plus évident – pour valoriser l’expérience : c’est l’efficacité dans la réalisation de ses taches. La maîtrise de techniques et de gestes, l’autonomie, la précision sont des éléments de productivité qu’une entreprise sait reconnaître et apprécier, car elle a un impact réel (et mesurable) sur le résultat.
La capitalisation
Votre voiture est un système complexe, mettant en œuvre un grand nombre de fonctions. Sa révision annuelle doit donner lieu à plein de contrôles, d’actions de maintenances et de remises à niveau. Il est difficile de connaitre toutes les spécificités de tous les modèles, comme il est quasiment impossible de se souvenir de tous les points de contrôle. Les garages sérieux utilisent une checklist identifiant une vingtaine de points de contrôle adaptés à votre modèle que le technicien vérifie de manière systématique. La rédaction de ces checklists et procédures a demandé un niveau d’expérience supplémentaire, pour permettre de « se mettre à la place » de celui qui devra les suivre. C’est le second levier pour valoriser l’expérience: être capable de la capitaliser pour rendre les autres plus efficaces. Là aussi l’impact est réel pour l’entreprise (mais moins facilement mesurable que le précédent).
Cette compétence peut prendre différentes formes. La plus visible, c’est la capacité à rédiger des recettes (cuisine), des guides et procédures (industrie). Elle se traduit aussi dans une disposition à faire des choix de conception ou de réalisation qui prennent en compte des observations passées et la réutilisation de « solutions » que l’on se souvient avoir mis en œuvre dans un projet précédent. Dans ce cas, l’expérience permet aussi d’anticiper et d’éviter les erreurs.
La résolution de problèmes pointus
Mistral, la célèbre start-up d’intelligence artificielle, a démarré avec une équipe R&D de seulement quelques personnes. Et pourtant ils ont réussi, en quelques mois, à mettre à disposition des modèles de langage performants. Ce n’est pas leur nombre qui leur a permis de réussir, mais leur expertise pointue dans le domaine.
Dans les entreprises, tout le monde les connait: la poignée d’experts qui ont une compréhension unique des produits, des problèmes complexes et des situations extrêmes. Ce sont eux que l’on sollicite quand les autres n’y arrivent plus. Leur capacité à résoudre des problèmes pointus peut faire la différence.
Leur impact est plus ou moins facile à mesurer, en fonction du type d’entreprise dans lesquels ils opèrent. Mais ils sont simples à identifier, ce sont eux que le management sollicite quand les autres n’y arrivent pas.
La résolution de problèmes globaux
Imaginons une entreprise souffrant de problèmes de qualité et de mauvaise expérience client. Elle peut investir dans un helpdesk de classe mondiale, si le produit est défaillant et les niveaux de support back-office incompétents, la situation ne va pas vraiment s’améliorer. Si au contraire, on forme toute la chaîne de support, et si l’on corrige les problèmes du produit, il est vraisemblable que l’expérience client s’améliore. Ce qui est attendu à un certain niveau d’expérience, en particulier dans le management, c’est une capacité à prendre du recul, pour traiter les problèmes de manière holistique. Et ainsi apporter des solutions globales qui vont réellement impacter le résultat, parce qu’elles prennent en compte le contexte, les contraintes et les marges de manœuvre des différentes fonctions de l’entreprise. Cette compétence-là est d’autant plus nécessaire que l’on prend des responsabilités.
La capacité à transmettre et faire grandir
D’abord, on apprend à faire. Puis, avec l’expérience, on apprend à faire-faire : on peut organiser ou superviser une activité. C’est une étape importante, mais pas la dernière. Il reste à apprendre à faire grandir. Savoir transmettre, développer et aider à progresser, n’est-ce pas quelque part l’essence du management ?
En conclusion
Une mesure de l’expérience en « nombre d’années » ne donne pas beaucoup d’information sur la valeur de l’expérience. Nous avons vu 5 critères spécifiques, mesurables ou observables, qui nous permettent de quantifier son impact et ainsi la valoriser. Vos collaborateurs ayant converti leurs années d’expériences dans plusieurs de ces 5 domaines ont un véritable impact sur la performance de l’entreprise. Ils sont d’une grande valeur, prenez-en soin !
Et c’est bien sûr aussi vrai pour vous. Dans un prochain article, nous verrons comment construire et mettre à profit sa propre expérience pour développer toutes ces capacités.
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Photo: Ardèche, France.