Augmentez l’impact de vos feedbacks

Les formations en management et les articles diffusés en période d’entretiens annuels sont riches en conseils sur la manière de faire un feedback constructif efficace.
Certains de ces conseils préconisent de glisser les commentaires négatifs (qui nécessitent un changement ou une amélioration) après un ou plusieurs commentaires positifs.
Si l’on peut comprendre que des commentaires positifs vont rendre son interlocuteur réceptif, la manœuvre peut s’avérer peu naturelle, et diluer le message.
Je vous propose dans cet article des conseils pratiques pour augmenter l’impact de vos retours, quelle que soit leur nature.

L’entretien annuel n’est pas le bon moment.

Le feedback est un outil de management puissant. Mais il n’est pas forcément facile à mettre en œuvre. L’exercice de l’entretien annuel lui confère une place importante, mais d’une part, il n’a lieu qu’une fois par an, et d’autre part, il cristallise des craintes, des enjeux et de nombreux biais. Dans certaines entreprises, c’est devenu un jeu de rôle : il peut être perçu par des collaborateurs comme un examen dont le succès apporte bonus et augmentation. Paradoxalement, et surtout s’il est la seule occasion de l’année où l’on partage son feedback, il ne crée pas vraiment les conditions nécessaires à un échange profond. Empiler les bons points pour glisser les mauvais n’a guère de chance d’aboutir à une prise de conscience.
Bien sûr, l’exercice de l’entretien annuel inclut une dimension « évaluation » mais elle doit refléter une synthèse d’éléments sur lesquels on a déjà échangé avant. Il ne devrait pas y avoir de surprises, ni dans un sens ni dans l’autre.

Critères d’impact

L’impact d’un feedback est fonction de deux critères : son immédiateté et sa précision.
Prenons le cas d’un employé qui travaille sur un axe d’amélioration particulier : un feedback immédiat et spécifique aura beaucoup de valeur. Soit il donnera une clé d’amélioration constructive, soit il agira comme un renforcement. Un retour similaire deux mois plus tard n’a presque plus d’impact.
Un retour creux : « c’est bien » n’aide pas vraiment. Un retour spécifique « c’est bien que tu aies mentionné tel élément, tu as noté comment ton interlocuteur a réagi de telle manière » permet le renforcement. Le même principe s’applique à un commentaire négatif. Un « C’est nul ce que tu as fait » décrédibilise le manager qui le prononce. Un retour qui explique les conséquences d’un mauvais choix ou d’une erreur permet de contextualiser et de construire.

Le canal du feedback

Lorsque l’on est tous au bureau, un échange en tête-à-tête est probablement la meilleure option. A distance, c’est plus compliqué. Une bonne option pour partager un retour spontané à distance est d’utiliser la messagerie instantanée en privé. Si le retour est positif, c’est simple. Si le retour est de nature à souligner quelque chose à changer, il y a des précautions à prendre. Le premier point de vigilance tient à la forme du message, il doit viser la situation et pas la personne. S’en prendre à la personne est une grave erreur qui laissera des traces très longtemps. Mais souligner l’inadéquation d’une action est très acceptable. Par exemple « La réponse que tu as apportée n’a pas été en mesure de convaincre ton interlocuteur, d’autres éléments auraient pu être mis en avant ». Il convient aussi d’enchaîner avec une proposition d’échange à chaud: « on en discute après le meeting ».
Ce type de discussion, si elles ont lieu via Teams ou Skype, sont plus faciles et plus efficaces avec la vidéo. Prenons l’habitude de la mettre par défaut et la demander à nos interlocuteurs (non la bande passante limitée de votre connexion internet n’est plus un argument valable en 2024).

Feedback en groupe

Certains retours revêtent un caractère collectif et s’appliquent à un groupe ou une équipe. Les formations de management enseignent qu’il faut faire part des compliments en groupe pour décupler leurs effets, et des critiques en tête-à-tête pour éviter de se mettre un collaborateur à dos. Ce sont de sages conseils, mais il est souvent opportun de ne pas mélanger les genres: les retours individuels sont à faire en tête-à-tête, les retours à des groupes doivent essentiellement concerner… le groupe.
Distinguons aussi deux natures de restitutions en groupe. D’une part, des retours peuvent porter sur l’atteinte d’un objectif ou l’obtention d’un résultat. D’autre part, ils peuvent porter le déroulement d’un projet et l’attitude ayant permis l’atteinte (ou non) d’un résultat. Dans le premier cas, on est dans la célébration. Célébrer les réussites soude une équipe et crée de l’engagement. Ce sont des moments importants dans la vie d’une équipe. Dans le second cas, on pose les bases d’une analyse visant soit à encrer de bonnes pratiques, soit à se remettre en cause pour faire mieux la prochaine fois. Là aussi, l’exercice est très utile pour la vie d’une équipe dans sa durée.

La culture du feedback

Partager du feedback de manière honnête, bienveillante et constructive doit faire partie des habitudes. C’est un outil indispensable pour progresser. C’est aussi un moyen d’éviter les conflits larvés et les écarts de compréhension entre attentes et résultats. Partager fréquemment des retours (majoritairement positifs) n’est pas du tout un aveu de faiblesse du management, mais présente deux avantages: c’est un moyen d’apporter de la reconnaissance et une solution pour éviter les écueils de l’empilement vus en début d’article.
Par nature, le feedback doit être symétrique. Pour pouvoir en donner, il faut être prêt à en recevoir. Prêt à s’entendre dire des choses sur le moment désagréables par des gens que l’on a pourtant l’habitude d’évaluer. Cette inversion de la pyramide peut apparaître troublante, mais elle permet de se protéger du risque de déconnexion entre managers et collaborateurs.
Il n’est probablement pas naturel pour vos collaborateurs de partager leurs retours à propos de leur manager. Pour les y encourager, il faudra le leur demander explicitement. Certains préféreront un cadre formel et d’autres un cadre informel (la machine à café). À vous de trouver la formule qui marche le mieux dans votre contexte. On peut aussi encourager des réponses un peu plus audacieuses en prenant soin à la question que l’on pose : « Si tu étais à ma place, sur tel sujet, qu’est-ce que tu changerais, qu’est-ce que tu aimerais que je fasse différemment ? »

Conclusion

Le conseil de l’empilage du feedback positif puis négatif est simpliste et peut induire une perception de manque de sincérité. Des échanges réguliers sont le prérequis de base. La légitimité à partager des retours critiques constructifs se gagne dans sa capacité à établir une relation professionnelle de proximité et en partageant des commentaires positifs lorsqu’ils sont opportuns. La portée du feedback tient beaucoup dans son caractère spécifique, illustrés d’exemples. Sa spécificité le rend pertinent, sincère et actionnable.
En tant que Manager, on a, nous aussi, besoin de feedback. Sachons créer les conditions propices à des échanges constructifs réguliers. Un tel environnement ne se crée que si on sait se dire les choses avec sincérité, simplicité et bienveillance.

Cet article vous a plu ? Partagez sous Linked’In !

Photo: Death Valley – USA