Je vous invite à rechercher dans Google « transformation numérique » ou « digital transformation ». Là, vous l’avez ? Et oui, c’est la liste de tous les grands cabinets de conseil ou d’IT.
Mon plus grand succès de transformation numérique, celui qui a eu l’impact le plus positif, et qui a « réellement » transformé une activité toute entière a commencé plus modestement. Un matin d’hiver dans un bus bondé.
Je me fais aborder par un collègue, que je connais de vue, mais pas de nom. Il ne prend pas la peine de se présenter. Il m’explique qu’il est « coté Usine » et qu’il s’assure de l’intégrité des produits une fois fabriqués. Dans la pratique, il déroule des « procédures » longues et fastidieuses. Et il a une intuition: les tests qu’il réalise, mon équipe (de développement logiciel) les fait aussi en phase de conception. Mais avec des moyens automatiques qu’il rêve de pouvoir déployer en phase industrielle.
En poursuivant la discussion, je comprends que je ne suis pas le premier à qui il pitche son idée. Mais les autres ont décliné: le mélange des genres et les sacrosaints budgets ont du en avoir raison.
Nous concluons sur une prise de rendez-vous pour une démo sur le terrain, qui aboutira quelques mois plus tard sur une solution complètement digitalisée et génèrera des économies notoires. Plus important, l’activité d’une équipe tout entière est transformée – pour devenir… vraiment plus intéressante, donnant aux opérateurs et techniciens plus d’autonomie pour des taches à plus grande valeur ajoutée.
De cette histoire, on peut tirer quelques leçons transposables à de nombreux contextes.
Encouragez une transversalité sincère
La somme d’optimisations locales ne conduit pas forcément à la performance globale. En vingt ans de management dans des structures variées, j’ai observé deux travers typiques dans les politiques de transformation:
1) Les investissements ne sont pas à portée transverse. Les responsables d’entités influents essayent de bonne foi de les capturer pour leur propre activité. Ainsi, ils contribuent à améliorer un process ou le fonctionnement d’une équipe. Mais ils n’ont que peu d’impacts sur la performance globale du système.
2) Quand les investissements sont vraiment transverses, les projets sont pilotés de manière un peu hors sol, plus par des spécialistes de la transformation que du fond. Les résultats peuvent être décevants.
Il existe plusieurs solutions pratiques pouvant limiter ce type d’écueils:
- Identifiez les personnes clés de l’organisation à qui confier les chantiers de transformation. Ce ne sont ni les meilleurs experts techniques, ni les meilleurs communicants – mais des bons compromis sur ces deux dimensions, ayant de surcroit la curiosité et l’optimisme nécessaire à l’initiation de changements.
- Encouragez les rencontres et mélangez les équipes. Pas uniquement avec des évènements de team building, mais aussi et surtout par des échanges du type « vie ma vie », des « brown bags » ou autre initiative d’échanges concrets, appliqués.
- A moyen terme, encouragez la mobilité interne pour développer la pluridisciplinarité. La mobilité interne peut être valorisée comme un vecteur de promotion d’une filière d’expertise technique.
Votre manager n’est pas toujours la meilleure personne pour vous aider
Combien de fois a-t’on proposé une « bonne » idée à un manager, qui pourtant ne l’a pas considérée. Malgré des arguments étayés. Peut-être la période n’était pas propice. Peut-être le timing n’était pas le bon.
Votre manager n’a pas forcément « envie » de changer un process « qui marche ». En particulier une situation possiblement inefficace mais qui ne génère pas de vagues à l’extérieur. Il a d’autres sujets de préoccupation et ne souhaite pas introduire le risque d’un changement. Dans ce cas ce n’est pas le bon interlocuteur. Il faut trouver un autre sponsor. Qui peut être un pair de votre manager, un chef de projet, un chef de produit. Quelqu’un qui a un intérêt aux conséquences du succès de votre idée.
Attention toutefois à ne pas donner à votre manager l’impression qu’il est court-circuité, mais plutôt l’associer aux bénéfices.
Suivez les process… suivez aussi votre intuition
Dans la scène décrite en introduction, mon collègue n’a pas respecté la hiérarchie. Il n’a pas respecté les processus d’amélioration continue. Ou plutôt si, il les a initialement respectés, ils n’ont pas abouti. Mais il ne s’est pas découragé. Le fait d’avoir initialement suivi les process le rendait légitime pour aller plus loin sans prendre de risques. Et il a pris deux actions complémentaires qui ont tout changé:
1) Il a travaillé son idée plus en profondeur, pour mieux comprendre les enjeux, les solutions possibles, les limites, les impacts, et aussi savoir l’expliquer de manière convaincante.
2) Il a su trouver une autre façon de la faire émerger. Saisir des opportunités. Prendre des risques mesurés (aborder un leader inconnu dans le bus). En s’y étant préparé, il a mis toutes les changes de son coté.
Si vous vous intéressez à la transformation et souhaitez aller plus loin je vous recommande la lecture d’un petit ouvrage remarquable sur la transformation : Alerte sur la banquise de John Kotter.
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Photo: Portmagee, Irlande