Quatre stratégies pour accumuler l’expérience

Dans l’article du mois précédent, nous avons vu comment l’expérience accumulée pendant plus ou moins d’années pouvait n’avoir qu’une valeur limitée. Dans cet article, nous allons analyser différentes stratégies que l’on peut mettre en place pour maximiser les bénéfices de son expérience.

La continuité des projets

Pour accumuler des compétences, il faut pratiquer de manière assidue et incrémentale.
Si l’on veut apprendre la musique, on commence par les bases. Les premières partitions sont simples. La pratique régulière apporte de l’aisance, qui permet de jouer des morceaux un peu plus rapides, ou un peu plus variés. Et c’est un cercle vertueux: la pratique apporte de l’aisance. L’aisance permet augmenter la difficulté et d’enrichir sa pratique. Pour toujours plus d’aisance. Pour toujours améliorer son jeu.
Dans un contexte professionnel, la mise en place de ce type de cercle vertueux n’est pas toujours facile. Votre environnement peut préférer vous assigner des tâches que vous avez déjà faites, parce que vous y serez efficace. Mais cette facilité se fait au détriment de l’apprentissage.
C’est pourquoi il est essentiel de se positionner sur des projets vous demandant à la fois des compétences acquises et d’autres à développer. Vous pourrez ainsi tirer profit de ce que vous savez bien faire, dans un souci de performance. Et vous pourrez aussi élargir votre panel et apprendre de nouvelles choses.

Utiliser la mobilité

Travailler dans une équipe permet de s’approprier la pratique d’une fonction dans un contexte donné. Ce contexte est forcément limité, que ce soit en termes d’interlocuteurs, de clients, de produits, de technologies, de process,… Une manière simple de développer son expérience réside dans la mobilité « horizontale ». Elle consiste à rejoindre une autre équipe, pour exercer une fonction similaire ou différente, mais dans un autre contexte. Et ainsi découvrir d’autres perspectives, d’autres approches, au contact d’autres personnes. La mobilité interne est un levier simple, souvent encouragé (en tout cas dans les grandes entreprises) et permet d’élargir son champ sans prendre de risques.
Lorsque la mobilité horizontale n’est pas possible, on peut toujours changer d’employeur. La mobilité externe est plus risquée mais permet d’ouvrir plus de perspectives. Elle permet de se confronter à des industries différentes, à des clients, des techniques, des pratiques nouvelles.
Le point clé à prendre en compte ici est la durée entre deux mouvements. On ne peut raisonnablement pas tirer pleinement profit d’un poste que l’on occupe moins d’un an, car on ne peut pas observer les effets de sa contribution. De la même manière qu’on ne peut plus vraiment progresser sur un poste que l’on occupe de nombreuses années. Bien sûr, il n’existe pas de durée optimale universelle, et la durée moyenne d’un poste augmente naturellement avec la séniorité. Mais c’est une donnée à prendre en compte.

Un manager sachant coacher…

Karl Anders Ercisson est un chercheur spécialisé dans l’acquisition de l’expertise, connu pour sa théorie des 10000 heures. Il explique aussi qu’en plus de la pratique, les plus performants dans leur domaine sont ceux qui ont su percevoir la différence entre leur « niveau » actuel et celui qu’il fallait acquérir pour être encore meilleur. Il a observé que souvent, celles et ceux qui y arrivaient s’étaient fait aider d’un coach. Et que ce coach avait su leur faire spécifiquement travailler ce qui leur manquait. On peut faire l’analogie avec les joueurs de tennis professionnels. Ils sont typiquement entraînés par d’anciens joueurs. Ces coachs sont objectivement incapables de battre leurs élèves. Mais ils savent analyser leur pratique pour identifier les points d’amélioration. Et ils savent trouver les exercices qui permettront de progresser.
Les critères à prendre en compte pour choisir un manager (quand on le peut !) sont nombreux et variés. Sa capacité à tenir un rôle de coach est essentielle. Si ce trait de management est difficile à évaluer à priori, on peut tout de même se faire une idée. Par exemple, en entretien, on peut demander à un futur potentiel manager ce qu’il fait pour développer ses équipes. S’il a le souci du développement de ses équipes, d’une part il sera ravi de répondre, et d’autre part il donnera des exemples précis et convaincants.
Si votre manager n’a pas l’âme d’un coach, avant d’en chercher un autre (ce n’est pas toujours facile), plusieurs tactiques sont possibles. Vous pouvez explicitement l’associer à votre besoin de développement. Vous pouvez chercher conseil à un niveau de management supérieur. Ou vous pouvez trouver d’autres personnes dans l’environnement pour vous aider à identifier cette distance entre votre pratique actuelle et le niveau d’expertise que vous souhaitez atteindre. Les collègues « seniors » dans votre entourage seront souvent flattés et ravis de vous aider.

Les combos d’expertise

Disposer d’une expertise (technique, métier, process, managériale) est un atout de poids pour progresser dans votre carrière. Mais en avoir deux, c’est le Graal.
La majorité des leaders charismatiques que j’ai croisée en avaient au moins deux. Ils combinent une expertise managériale (capacité à fédérer, à organiser, à délivrer,…) avec une expertise liée au domaine dans lequel ils interviennent (technologie, management de projets ou produits, commerce,…). Ces combinaisons sont soit des combinaisons « hard+soft skills » soit même des combinaisons de « hard skills » (plus rarement des « soft skills » entre eux). Elles permettent de démultiplier son impact, de savoir quoi faire et de savoir comment le faire. Et elles vous apportent une garantie supplémentaire si à un moment de votre carrière l’une de vos expertises n’est plus demandée.

En conclusion

La clé de la conversion du temps passé à travailler en une expérience que l’on saura valoriser réside ici : se positionner sans cesse dans une situation où l’on pratique et où l’on apprend. Cette stratégie est d’autant plus efficace que l’on est accompagné d’un « coach » qui nous met en perspective ce qui nous manque et la façon d’y arriver.
L’expérience est la clé de l’employabilité, aussi la capitaliser est une responsabilité à ne pas négliger. Une démarche introspective régulière permet de prendre les bonnes décisions, de détecter les bons moments pour changer de projet, d’activité, de collègues ou de manager avant de subir un train-train dont il sera difficile de sortir.
Pour ceux qui souhaitent aller plus loin sur ce sujet, je vous recommande la lecture des ouvrages de Cal Newport, spécialiste du sujet.
Enfin, pour celles et ceux qui s’intéressent à l’effectuation, vous noterez les liens entre ces conseils et les principes fondateurs de la théorie…

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Photo: Grande muraille, Chine