Ces 10 dernières années, le marché de la prestation de service a connu une forte augmentation du nombre d’indépendants. Si l’intérêt de ce mode de contrat est évident pour eux, est-ce qu’il l’est autant pour une entreprise « cliente » ?
Après avoir contractualisé avec de nombreux indépendants, mon retour d’expérience est caractérisé par une très forte hétérogénéité. Impossible d’établir de conclusion générale. Dans certains cas, leur aide et leur apport s’est avérée essentielle, et la relation professionnelle constructive et durable. Dans d’autres cas, j’ai le sentiment de m’être fait manipuler par des gens intéressés, à la limite de l’honnêteté.
S’il est difficile d’établir des règles systématiques pour décider d’attribuer une mission à un indépendant, je vous propose ici quelques éléments à prendre en compte pour réduire le risque d’erreur.
Nature de la Mission
Lorsque l’on choisit de confier une mission à une société de prestation, on doit préalablement se poser la question de la pertinence d’une sous-traitance. Est-ce que la mission concerne le cœur de métier ? Est-ce qu’elle donne lieu à une compétence à capitaliser ? Est-ce qu’elle s’inscrit dans un cadre pérenne ? Ne pourrait-elle pas être prise en charge par un interne moyennant une réorganisation de l’activité ? Dans le cas d’un indépendant, c’est encore plus vrai: si pour une raison ou une autre la mission se passe mal ou se termine précipitamment, vous n’aurez personne vers qui vous retourner.
Deux types de mission se prêtent assez bien à des indépendants:
1) Les missions de « renfort » ou ils ne sont pas isolés, mais intégré à une équipe. Leur expérience leur permet de se rendre opérationnels rapidement. La mission a un périmètre technique et une durée à priori connue dès le départ.
2) Les missions de type « expertise connexe ». Votre projet inclut une partie spécifique qui va au-delà de ce que vous faites d’habitude. Vous ne trouvez pas de profil en prestation de service et avez besoin d’une véritable expertise. Le projet ne nécessite pas de capitalisation (c’est un « one-shot »).
Bien sur que de nombreuses autres natures de missions peuvent être confiées à un indépendant. Mais dans ce cas, je vous encourage vivement à bien lire la suite de cet article…
Intégration dans votre équipe
Votre équipe est probablement constituée de salariées « internes » et possiblement de quelques prestataires. Cette équipe vit avec sa culture, ses valeurs, ses standards. Certains comportements y sont encouragés (la solidarité, l’engagement, le partage, le sens du client, etc…), d’autres sont probablement malvenus. Le système vous donne une forme d’autorité (hiérarchique ou client/fournisseur) qui vous donne des leviers pour encourager et maintenir ces éléments.
S’il y a une chose que j’ai observée assez systématiquement auprès des dizaines d’indépendants qui ont travaillé pour moi ou autour de moi, c’est qu’ils sont rarement sensibles à l’autorité. Aussi, s’ils s’avèrent ne pas partager vos valeurs, vos principes ou vos standards, vous aurez du mal à les cadrer. Ca n’a pas forcément de conséquences, mais il faut être vigilent pour éviter quelques travers que j’ai parfois vécu:
- L’encouragement des autres prestataires à quitter leur entreprise de service,
- La critique du cadre en place dans l’entreprise, sur les conditions de travail des salariés (e.g. sur la rémunération ou le télétravail),
- La critique technique systématique (au choix : la technologie, la pertinence des fonctions supports, l’efficacité de l’IT, les exigences des équipes produits, etc…).
Pour éviter ces travers, il n’y a pas de méthode miracle. Accorder une véritable attention à ces sujets lors de l’entretien, et disposer de références solides sont vraiment à prendre en considération.
Flexibilité et écoute
Indépendants et prestataires, si vous me lisez, je vais vous partager deux conseils précieux, vous mettant à la place de vos clients.
Le premier : en tant que manager, je cherche à favoriser l’intérêt de mes salariés. Ça se traduit par le fait que si je considère une activité soit stratégique, soit intéressante, je préfère la confier à un salarié. Et mes confrères font tous la même chose. Ça ne signifie pas que l’on ne confie à la prestation que des missions sans intérêt, sans enjeu et sans complexité. Mais ça signifie que l’entreprise que vous rejoindrez n’est pas un terrain conquis.
Le second : les managers qui vous recrutent sont ceux sur qui pèse une grande partie de la prise en charge des aléas, du changement de priorité impactant les équipes. Ça ne signifie pas que la mission proposée à un indépendant va systématiquement changer tous les deux mois. Mais elle évoluera forcément. Elle inclura – à plus ou moins forte dose – des contraintes liées à « la vie du rail ».
Là aussi, ce sont des dimensions que j’essaye d’évaluer au mieux en phase d’entretien, et à confirmer au travers de références.
Cadre et transparence
Plusieurs fois j’ai eu des indépendants qui avaient plusieurs clients. Parfois ils me l’ont dit – on s’est arrangé, on travaillait en confiance. Parfois ils me l’ont caché (mais facturaient bien sur).
Plusieurs fois, j’ai eu des indépendants en télétravail à 100%. Certains en transparence, toujours disponible pour un workshop présentiel. D’autres m’ont caché qu’ils n’étaient plus en France (et se sont faut porter pâles pour le team meeting pourtant prévu un mois à l’avance).
Une fois de plus, il ne faut pas généraliser. Mais pour éviter ce qui sera vu par les uns comme un abus, par les autres comme une contrainte inacceptable, il est essentiel de bien fixer le cadre avant même de démarrer la mission. On se dit les choses, on clarifie les attentes, on pose les limites. Et on met les conditions de succès de son côté.
En conclusion:
La lecture des nombreux articles Linked’In d’indépendants mettant en avant leur égo, leur réussite à favoriser leurs propres intérêts et leur condescendance vis-à-vis du salariat – sans jamais mentionner le mot « clients » — peut rendre réfractaire à leurs services.
Ils ne sont fort heureusement pas tous comme ça, nombreux sont ceux qui ont le sens du client et font part d’engagement et de transparence. Avec eux, les missions sont des succès.
La difficulté pour la manager, c’est de faire le tri, et ce n’est pas toujours simple. Une attention toute particulière doit être portée lors de l’entretien. La ou un prestataire peut être recruté en un seul entretien, j’en suggère au moins deux pour un indépendant (le manager et un « bar-raiser« ). De plus, une conversation approfondie avec quelques personnes références (idéalement les managers clients précédents) peut apporter la confirmation des compétences tant techniques que comportementales nécessaires pour la mission.
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Photo: Sculpture, musée de Tokyo, Japon.
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